Voici comment l’on place des satellites en orbite géostationnaire autour de la terre, c’est-à-dire comment leur faire prendre une position fixe dans le ciel à des milliers de kilomètres au-dessus de nos têtes. Il s’agit de positionner le satellite à la distance précise de la terre à laquelle les forces centrifuges et centripètes qui agissent sur lui sont égales.
La force centrifuge, c’est celle qui s’exerce sur tout corps en rotation autour d’un point et qui tend à l’éloigner de ce centre. C’est la force qui fait tendre une corde si vous la faites tourner autour de votre tête. Cette force qui agit sur un corps qui tourne autour d’un point varie en fonction directe de sa distance à ce point. Pour une même vitesse radiale, plus le cercle de rotation est grand, plus la force centrifuge sera grande. Donc, pour un satellite qui tourne à la même vitesse que la terre, plus il en est éloigné, plus il sera tiré vers l’espace. La force centripète, c’est celle qui s’oppose à la force centrifuge. Dans le cas d’un satellite, c’est la force gravitationnelle qui attire le satellite vers la terre, autrement dit, son poids. Celle-ci est relativement invariable pour les distances qui nous concernent. Puisque la force centrifuge croit à mesure que le satellite s’éloigne de la terre, mais que la force qui l’attire vers la terre ne varie pas, il s’agit alors de trouver la distance exacte où ces deux forces sont égales. À cet endroit, le satellite suivra la terre dans sa rotation et restera immobile par rapport à la surface terrestre, en parfait équilibre.
Si vous étiez sur ce satellite et que vous aviez apporté avec vous un sac de petites billes, vous pourriez mener une expérience pour confirmer le principe que je viens de décrire. Puisque l’équilibre qui permet à votre satellite de rester en place est basé sur sa distance à la terre, vous pourriez conclure que tout objet plus éloigné serait assujetti à des forces centrifuges plus grandes et s’éloignerait lentement jusqu’à se perdre dans l’espace. Inversement, tout objet sur une orbite moins élevée, mais avec la même vitesse rotationnelle, manquerait de force centrifuge pour résister à son poids et finirait par s’écraser sur Terre. Prenez donc deux billes pour le confirmer. À l’une, vous donnerez une légère impulsion en direction de la terre et à l’autre, une petite poussée dans la direction opposée. Vous seriez rapidement en manque de deux billes puisqu’elles se seraient laissé entrainer dans une chute vertigineuse vers la Terre dans un cas et dans un périple sans fin vers les espaces étoilés dans l’autre.
Laissez donc vos billes de côté et prenez votre bobine de fil (vous n’avez pas oublié de l’apporter, j’espère !). Attachez un petit poids à l’extrémité du fil et lancez-le vers la terre. Si on se fie à ce qui s’est passé avec la bille, ce poids devrait être entrainé vers la terre en tirant avec lui le fil de votre bobine. Laissez le fil se dérouler jusqu’à ce qu’il ne tourne plus : c’est que le poids a complété sa descente d’autour de 36 000 km (la hauteur approximative d’une orbite géostationnaire) et qu’il repose maintenant par terre. Vous avez dorénavant un lien qui vous unit à la surface de la Terre. Votre assistant, que vous avez pris soin de recruter pour les besoins de l’expérience avant de vous envoler dans l’espace, pourrait, s’il était d’un physique suffisamment athlétique, grimper le long du fil pour vous joindre. Soyons charitables à son égard; construisons-lui plutôt un ascenseur capable de se hisser le long du fil pour le transporter jusqu’à vous sans effort.
Il reste par contre un petit problème à régler. Lorsque votre assistant suspendra son poids et celui de l’ascenseur au fil que vous lui avez tendu, il tirera par le fait même le satellite (et vous) vers lui, entrainant le satellite vers une orbite inférieure avec les conséquences néfastes que nous pouvons maintenant prévoir. Pour éviter cela, demandez à votre assistant d’ajourner temporairement son ascension et d’amarrer solidement l’extrémité du fil à la terre. S’il y a un rocher ou une grosse masse de béton à portée de la main, ce serait l’idéal. Pendant qu’il s’affaire à cette tâche, prenez une deuxième bobine de fil (j’avais indiqué qu’il fallait en apporter deux, n’est-ce pas ?) et refaites la même opération que la précédente, sauf que, cette fois-ci, vous enverrez votre fil en direction de l’espace. Oh, j’oubliais un autre détail : vous n’y attacherez pas un petit poids comme avant, mais le piano à queue. Oui, c’est cela, celui que je vous avais demandé d’inclure dans vos bagages.
La force centrifuge agissant sur le piano sera importante, je vous le préviens. Tenez-vous bien au satellite pour ne pas être entrainé vers l’espace. N’ayez aucune crainte que le piano affecte l’orbite du satellite puisque, grâce à votre vaillant assistant terrestre, vous êtes maintenant ancré au sol. La tension exercée par le piano qui veut s’échapper vers l’espace tendra le fil et permettra à votre assistant d’amorcer son ascension vers vous sans vous faire descendre vers lui. Vous serez bientôt en mesure d’admirer ensemble la vue splendide qui vous est offerte depuis votre satellite.
Félicitations, vous venez de construire le premier ascenseur vers le paradis.